La
course, considérée comme une tactique navale consistant à
courir sur les bâtiments marchands ennemis, peut-être aussi bien
pratiquée par les navires marchands armés en guerre par des particuliers
que par la marine de guerre.
Le corsaire
est un particulier qui, en temps de guerre,
commissionné par son souverain via la lettre de marque,
court sus aux navires ennemis, c'est à dire qu'il les
capture, les pille pour son compte. |
La
lettre de marque : un document officiel
La
lettre de marque est pour le corsaire, non seulement une pièce indispensable
qui légalise son activité et qui le distingue du pirate, mais aussi
le document officiel qui lui confère un statut de prisonnier
de guerre en cas de capture.
Ce
combattant régulier officiellement mandaté est
tenu par cet ordre de mission, de n'attaquer exclusivement
que les ennemis de son souverain, respectant "généralement"
les neutres et toujours ses propres concitoyens. S'il manque
à cette règle absolue, et qu'il continue son
activité, alors il sera traité en pirate
et son corps ira se balancer, lui aussi au bout d'une corde. |
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Une
formule latine de Wolf résume bien la situation : non privatum,
sed publicum privatum bellum gerunt, "Ils ne font pas
leur guerre privée, mais à titre privé la guerre nationale".
Ils n'ont portant qu'une relative liberté d'action
: ils doivent se conformer aux règlements édictés par le gouvernement,
respecter les lois de la guerre, rendre compte de leur activité
et de leur prise...
Les
relations des corsaires avec l'état ont évolué avec les changements
de dirigeants et d'impératifs diplomatiques : la réglementation
s'est accrue, le contrôle de l'état est devenu plus présent, les
démarches administratives se sont alourdies... On peut dire qu'à
partir de la fin du XVIIIème la course a commencer à décliner jusqu'à
sa mort légale en 1856.
1856
: abolition de la guerre de course
Même
si la course avait disparu en France avec l'Empire en 1815, il fallut
attendre 1856 pour qu'elle soit officiellement abolie à l'occasion
d'une réunion en congrès à Paris où
toutes les nations furent représentées, à l'exception
de l'Espagne, du Mexique et des Etats-Unis.
Les
grandes heures de la "caprerie"
(terme qui désigna la guerre de course à l'époque)
Si
la course existe depuis le moyen âge, il faut attendre
la fin du XVII et le début
du XVIII, c'est à dire pendant la
guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688-1697) et celle de la
sucession d'Espagne (1702-1705), pour qu'elle connaisse son
apogée. |
Deux
siècles de guerre |
A
titre d'exemple, Saint-Malo, premier port armant pour la course
sous Louis XIV, a armé durant cette période 900 bâtiments
corsaires, mobilisé 7 000 hommes et pris 1 300 navires de
tous tonnage, sans compter les destructions.
Comment
expliquer un tel essort durant cette période?
Ce fut
d'abord une activité de substitution
qui s'imposa à de nombreux ports. Les conflits européens
ont toujours modifié les activités et le fonctionnement
des ports français. Bien sûr ils n'ont jamais
interrompus la pêche à terre neuve ou le grand
commerce maritime, mais les temps de guerre provoquaient
un manque à gagner certain puisque les échanges
étaient suspendus avec les pays impliqués.
Par conséquent se posait la question de trouver des
activités compensatoires.
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Les
armateurs, qui n'acceptaient pas que la guerre
puisse faire obstacle à leur commerce, mettaient des canons
sur les navires qu'ils destinaient au négoce. En outre ils
sollicitaient une "commission de guerre et marchandises"
ou lettre de marque auprès de l'amirauté, qui leur
permettait le cas échéant d'attaquer et s'emparer
de navires ennemis. Cette activité se révéla
fructueuse pour les armateurs et les actionnaires
qui savient miser sur le bon capitaine et le bon navire.
Le
ministre de la marine mit ensuite tous ses espoirs dans la course
et l'intégra pleinement dans la stratégie
française après le désastre de la
Hougue en 1692. La caprerie était pour lui synonyme de sources
d'économies (le budget de la marine était réduit)
et éventuellement de revenus puisque le roi prélevait
de 1/4 à 1/3 des prises. Enfin ce fut bien sur un moyen d'affaiblir
l'ennemi.
Bien
sûr on peut discuter les motivations qui animaient les corsaires
dans la mesure où elles étaient au début clairement plus spéculatives
que patriotiques. Toujours est-il que la course a gêné et affaibli
les ennemis de la France.
Ainsi
les pertes causées au commerce anglais de 1688 à 1717
furent très élevées. J.Tramond les estime à
4 200 navires, rien que pour les années 1688-1697. Par ailleurs
J.Delumeau a calculé qu'en additionnant toutes les prises
faites par les corsaires français et ayant donné lieu
à un jugement, entre mars 1695 et avril 1715, on parvient
à un total de 6 919 navires ou chargements capturés.
S'y ajoutent 2 692 rançons, soit un total de 9 881 captures.

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