La chasse et l'abordage


Durant la période de la course dite classique la majorité des corsaires ne se battaient pas pour le panache ou la gloire, mais pour toucher un salaire. Animés par cette volonté et conscient de la vocation commerciale de la course, ils respectaient les codes et les réglements.

"Par les obligations contractées vis à vis des armateurs, les corsaires, même les plus illustres, même animés des plus nobles entiments, se voyaient obligés quand ils avaient à opter entre deux mesures, l'une favorable à leurs affaires, l'autre plus patriotique, de faire taire en eux le patriotisme pour agir au mieux des intérêts des armateurs" F.Roubidou

La prise idéale pour un corsaire doit donc être rapide et sans combat, à contrario de l'image des explosions à coup de canons que nous renvoit abusivement le cinéma. Ils préféraient donc s'attaquer à des navires de commerce isolés ou distancés d'un convoi.

La tactique de prise consistait à se placer et à se maintenir dans le sillage du bateau convoité pour éviter d'être sous le feu de ses batteries. Si au premier coup de semonce le navire baissait pavillon (signe qu'il se rend), l'abordage et la prise du contrôle du bateau se déroulait alors assez calmement. Dans le cas contraire, l'abordage se faisait de façon plus "musclé".

L'abordage se faisait de préférence de "bout en bout" en engageant le mât de beaupré (c'est à dire le mât placé obliquement à l'avant d'un navire) sur la poupe de l'adversaire. Au moment de toucher, le corsaire, balayait le pont de l'adversaire à coup de mitraille tandis que des tireurs juchés dans la mâture fusillaient les officiers. C'était ensuite au tour des grappins d'être jettés : les assaillants qui demeuraient jusque là couchés sur le pont, surgissaient haches ou piques à la main pour s'élancer à l'abordage du navire ennemi, via le mât de beaupré qui servait de véritable passerelle.

Une fois les combats terminés (les équipages marchands n'étaient guère combatifs) et le navire capturé, il ne restait plus qu'à le ramener au port. Ce n'était d'ailleurs toujours pas chose facile, car des corsaires ennemis surveillaient souvent les entrées de ports pour reprendre les prises.

 

La prise et le retour au port


Une fois retourné au port, le capitaine s'empressait de dévaler les quais pour aller déposer à l'Amirauté son rapport de mer. Celui-ci sera examiné par les officiers d'administration et déclenchera une procédure de plusieurs jours.

Personne n'avait le droit de descendre à terre avant que les officiers d'administration n'aient dressé le procès verbal d'inspection du navire, vérifié que les scellés apposés par l'écrivain de bord sur les portes et les armoires de la ou les prises soient bien intacts. Ensuite ils mettaient eux même leur sceau sur les écoutilles pour éviter dans l'intérêt du Trésor tout débarquement furtif d'objets précieux ou d'élements de la cargaison. Enfin, ils interrogeaient les captifs et les menaient vers les prisons de la ville.

Une fois cette procédure terminée et le dégréement achevé, les hommes pouvaient quitter le navire. Ils n'allaient généralement pas très loin puisqu'ils attendaient le versement par le capitaine du salaire et des parts de prise.

Le Tribunal des prises

Le résultat de la procédure était envoyé au tribunal des prises, dépendance de l'Amirauté qui statuait sur la légitimité des captures. Ce n'est qu'une fois le jugement rendu qu'il pouvait être procédé à la vente des cargaisons, sauf pour le tissu qui était détruit afin de préserver les manufactures nationales (selon une ordonnace royale).

Les prises pouvaient être des oranges, du citron, du vin, de l'eau-de-vie, du sucre, des figues, des anchois, des harengs, des biscuits, des pois orge, du boeuf, du lard, du vin de Xérès, des cuirs, du bois de Campêche, de l'indigo, du cacao, des sacs d'argent ou de poudre d'or.

Le 1/10 du produit de la vente était versé à l'Etat, les deux 1/3 restant à l'armateur et le 1/3 au capitaine qui répartissait ensuite selon la hiérarchie : capitaine, écrivain, chiurgien (présence obligatoire à partir du 18ème), les maîtres canonniers, les charpentiers, les matelots et les mousses.

 

La rançon et l'échange


Gilles Avril nous apprend que certains corsaires préféraient plutôt rançonner plutôt que de s'embarrasser de prises.

Dans sa livraison du 09 juillet 1695, la Gazette de France se fait l'écho de cette pratique : "On écrit de Saint-Malo du 03 de ce mois que les corvettes la Glorieuse et le Succès avaient rançonné près de Dublin et à l'entrée de la Manche, six bâtiments pour la somme d'environ 5 000 livres, et qu'ensuite ayant mis pied à terre à l'Angleterre à l'entrée de la Manche, ils y avaient brûlé plus de deux cents maisons. Que le 14 de juin, avaient été poursuivis par deux vaisseaux de guerre anglais, dont l'un s'attacha la Glorieuse, ce qui n'empêcha pas qu'à sa vue, elle rançonnat trois autres bâtiments pour près de 5 000 livres. Que la corvette le Bien-Aimé avait rançonné trois bâtiments sur la côte du pays de Galles pour 500 écus. Que le 14, elle prit un vaisseau espagnol chargé de froment, qui est arrivé à Roscoff, et que le 24, le 25 et le 26, elle rançonna encore trois petits bâtiments pour 2 500 livres."

Lorsque la rançon n'était pas toujours payable sur le champ, les capitaines saisissaient les papiers de bord et prenaient des otages parmi les officiers et la maistrance.

Une variante de la rançon était l'échange (de prisonniers) qui se pratiqua surtout à la fin XVIII et au XIX.